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Ghana : les forts coloniaux de Cape Coast

Ghana : les forts coloniaux de Cape Coast

 

Le Ghana, un pays du golfe de Guinée

Durant mon séjour en Afrique de l’Ouest, j’ai eu l’occasion de visiter les forts coloniaux datant de l’esclavagisme au Ghana et faisant partie du patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

La découverte de Cape Coast Castle

Cape Coast Castle fait partie des trois grands forts construits par les occidentaux sur la côte des esclaves (du Ghana au Nigeria). Il a été bâti en en 1665 par les anglais et diffère de l’autre grand fort du rivage par sa construction purement établie pour la traite trans-atlantique. En effet, lors de sa construction, Elmina Castle, propriété des Danois, était déjà utilisé pour le commerce humain alors qu’il fût conçu pour l’échange de marchandises non vivantes (au début principalement de l’or, puis vint le tabac, les matières agricoles…)

Cape Coast Castle

La première impression qui se dégage lorsqu’on rentre dans le fort est son relatif bon entretien. En effet les murs ont été repeints et l’ensemble architectural est en très bon état. Cela s’explique sans doute par la visite du président Obama et de son épouse Michelle en 2009. Il y a d’ailleurs une plaque commémorative de leur venue dans le parc. Il faut savoir que cette visite fut symbolique car en termes de répartition, on considère qu’il y eut 1/3 des esclaves déportés au Brésil, 1/3 déportés dans les Caraïbe et 1/3 aux Amériques. La quasi-totalité des déportés en Amérique étant des captifs partis du golfe de Guinée, donc venant de la Côte d’Ivoire, du Ghana, Togo, Bénin, Nigéria et Burkina Faso. En quelque sorte, ce fut probablement le point de départ de la famille maternelle du couple Obama.

Elmina Castle

Elmina Castle

 

La visite de Cape Coast Castle :

  • 25 à 30 minutes d’apprentissage personnel dans le musée du fort
  • Un peu plus d’une heure de visite guidée par un Ghanéen à travers le fort.

La visite du musée fut très enrichissante. En effet, celui propose un large spectre des activités occidentales sur la côte du Golfe de Guinée et retrace ainsi tout d’abord les origines des peuples autochtones, puis les raisons de l’arrivée des occidentaux et la traite en elle-même. Le musée poursuit ensuite sur la vie de ses Africains dans le nouveau Monde, puis sur leur émancipation. Enfin il permet de mieux connaître le Ghana par une présentation des peuples vivant en son intérieur. Il est intéressant de savoir que très longtemps, les occidentaux se sont restreints à l’occupation du littoral et n’ont basé leur échange avec l’arrière pays que sur les aborigènes.

Comme il a été dit précédemment, le fort a été exclusivement construit dans un but esclavagiste. Par conséquent, il a été élaboré de sorte que l’activité de traite négrière soit la plus efficace possible. Parlons d’abord de l’origine des esclaves. Ces derniers étaient capturés dans l’arrière pays du Golfe de Guinée. Les peuples étant très hétérogènes, il existait de nombreuses tensions et différends entre les clans. L’homme blanc usa de cet antagonisme pour exacerber les désirs de chefs africains et les conduire à lui livrer des hommes en échange de produits manufacturés (fusils, tabac, quincailleries…). Les captifs parcouraient de très grandes distances à pied avant d’arriver au fort. Leurs poignets étaient enchaînées dans le dos, pour former une file indienne une chaîne reliait le collier en acier que les captifs portaient au cou. Toute personne faible pour le voyage était laissé en route face à sa propre mort.

Arrivés dans le fort, les captifs étaient repartis selon leur sexe. Dans tous les forts les hommes étaient systématiquement séparés des femmes, de sorte qu’il y avait un quartier des hommes et un quartier des femmes.

Des conditions de vie épouvantables…

Les cachots des hommes

Les cachots des hommes

Parlons d’abord du quartier masculin. Celui-ci pouvait accueillir approximativement 1300 personnes au sein de cinq cachots. Par rapport au niveau du fort, les cachots masculins étaient construit en sous sol. Se rendre dans le quartier nécessitait de se pencher et de se glisser par une porte donnant vers le bas. De ce fait il régnait dans ce quartier une obscurité quasi-totale lorsque la porte d’entrée était close. Quasi-totale car pour éviter l’étouffement des prisonniers, il y avait deux orifices très en hauteur dans les cachots. Mais la manière de creuser ces orifices dans des murs épais assurait une luminosité quasi-nulle.

En ce qui concerne les cachots, il y en avait cinq à Cape Coast Castle. Le plus grand se trouvait à l’extrémité droite des quatre autres et en était séparés. Il y avait très haut dans l’un des murs des orifices pour la respiration. Il faut savoir que les captifs y résidaient à même les briques du parterre. Excepté un tracé un peu plus profond que le niveau du sol permettant de drainer l’urine des prisonniers, il n’y avait aucun autre aménagement pour les garantir une hygiène minimum. Cela fait que c’est un euphémisme de dire que les conditions hygiéniques étaient abominables. En témoignent d’ailleurs des marques situées sur les murs à approximativement 20 cm du sol, qui correspondent au niveau auquel se trouvait le sol avant que les archéologues ne nettoient l’endroit. Au fil des années, les excréments des prisonniers en s’amoncelant sur le sol avaient fini par créer un faux sol. Il faut dire que les conditions de ce cachot étaient encore pires que celle des quatre autres. C’est d’ailleurs dans cette dernière que l’on mettait les fortes têtes non envoyées en cellule de la mort. Les quatre autres cellules se trouvaient par paire face en face. Il y avait des barreaux qui garantissaient l’isolement des captifs.

Vue de la cour intérieure depuis un cachot

Vue de la cour intérieure depuis un cachot

Au milieu un couloir permettait la circulation des occidentaux et des captifs lors de leur transfert vers la porte de non retour. Les captifs restaient en général entre 1 et 3 mois dans les geôles. Au fond du cachot se trouvait un trou qui conduisait directement à la porte de non retour. Il est marquant de voir que la luminosité de la salle précédant ce trou est plus importante que dans le reste du cachot. Cela s’explique par le fait qu’avant de les embarquer, cette lumière était utilisée pour vérifier qu’ils étaient en état de partir. Dans le cas contraire une salle annexe à celle-ci était utilisé pour les soigner et leur permettre d’embarquer dans le navire suivant.

Le quartier des femmes était moins spartiate. Les conditions hygiéniques étaient en un sens pire puisque les femmes avaient cycliquement leurs menstruations. Le sol de ce quartier est aujourd’hui totalement sombre, les experts n’ont pas réussi à mettre à jour le sol d’origine. Il faut noter que dans le quartier des femmes, une grande porte donnait sur le quartier des blancs. Ainsi les blancs pouvaient aisément faire leur choix parmi les captives pour l’assouvissement de leurs besoins primaires. Lorsqu’une femme tombait enceinte, elle était généralement libérée et confiée pour du travail dans un lieu proche du fort. Aujourd’hui encore de nombreux ghanéens ont pour ancêtre des femmes violées par des occidentaux. On les reconnaît à la consonance danoise ou britannique de leur nom.

Dans le fort est également présente une salle de détention réservée aux condamnés à mort. Cette salle ne dispose d’aucune aération aménagée. Une fois le captif enfermé en son sein, privé d’eau et de nourriture la seule alternative était la mort.

La cour intérieure d'Elmina Castle

La cour intérieure d'Elmina Castle

La porte de non retour :

Dans le fort, il y a aussi la porte de non retour. Cette dernière correspondait à l’endroit à partir duquel les captifs étaient embarqués sur

La porte de non retour

des barques/navires en direction du nouveau monde. La porte est aujourd’hui très large comparativement aux origines car après l’abolition de l’esclavage (1807 en Grande-Bretagne) le fort fut utilisé, entre autres, pour le commerce.

Les quartiers occidentaux étaient situés aux étages du fort. Ce sont des endroits très spacieux, avec vue sur la plage et la mer, une très bonne aération. En un mot, il règne dans ces quartiers une atmosphère apaisante. Ce qui est touchant et frappant est le fait que l’église du fort soit construite juste au dessus des quartiers masculins. Cela suggère que lors de chaque service dominical, pendant qu’un prêtre prêchait la bonne nouvelle appelant à l’amour pour son prochain, de pauvres bêtes croupissaient dans leurs matières fécales.

Après l’abolition, le fort fut utilisé par les britanniques pour la conquête de leur espace colonial. C’est de là qu’ils colonisèrent l’intérieur du Ghana, mais aussi des contrées plus lointaines telles que le Nigéria, le Sierra Léone ou la zone qui correspond à l’actuel Libéria.

Les trois tombes dans la cour

Les trois tombes dans la cour

Dans la cour du fort se trouvent trois tombes. L’une appartient à MacCoughlin un écossais venu administrer le Ghana. Un autre à sa femme qui ne pouvait supporter la séparation et venu le rejoindre. Elle mourut très vite et on raconte trois versions quant à sa mort

  1. Elle aurait attrapé la malaria et en serait morte.
  2. Elle se serait suicidé avec du poison en apprenant que son mari était épris d’une captive.
  3. Elle se serait faite empoisonnée par la captive locale éprise de son mari.

Une autre tombe d’un occidental repose dans la cour.

Enfin le seul Ghanéen qui y est enterré est Koffi Q (K.Q). Il fut déporté avec ses deux frères en grande Bretagne lorsqu’il avait la vingtaine. Ses deux frères moururent assez vite (à cause du froid ?). Il y apprit l’anglais, entra au séminaire et devint instructeur. Puis il revient au Ghana où il enseigna et prêcha dans la paroisse de Cape Coast Castle.

Il est remarquable qu’il mourut à 75 ans au contraire des trois britanniques qui partirent à l’âge de 48 ans (Mr Coughlin), 36 ans (Mrs Coughlin) et le dernier dans la trentaine. La sélection naturelle était déjà à l’œuvre même si on ne le savait pas !

 

 

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